Colombus Haddlestone, présentation.

Avez-vous déjà senti la peau de vos bras et de vos jambes se décoller lentement ?
Vos muscles se déchirer, partir en lambeaux, tandis que tous les os de votre corps s'efforcent de percer votre chair ?
Avez-vous déjà senti tous vos tendons et tous vos ligaments s'étirer, prêts à rompre,
tandis que votre squelette cherche à se disloquer de l'intérieur ?

Je m'appelais Jin, et j'étais faible.

Vingt ans, vingt longues années s'étaient écoulées depuis mon premier pas ici.
Je n'ai jamais regretté de m'être engagé dans la garde Brâkmarienne, bien que parfois, cette vie fut difficile, elle me convenait parfaitement.

Il faisait nuit, j'étais là, à buller sur le rempart de l'Avant poste, comme tous les soirs, lorsque mon regard fut attiré par une ombre,
un mouvement furtif derrière moi.
La relève, enfin.
Je me suis relevé péniblement, mes jambes fléchissants sous mon poids.
Je devais l'admettre, J'avais vielli.
Mes réflexes n'étaient plus aussi affutés qu'autrefois, et ma vue me jouait des tours.
Au fil des jours, je voyais de plus en plus de jeunes hommes s'enrôler et me voiler là face,
Je n'était plus que l'ombre de moi même.

Je m'appelais Jin, et j'étais vieux.

Ce soir là, après ma ronde, je suis allé retrouver Siamian Steel, l'un de mes derniers comparses, pour discuter autour d'une pinte et d'un jeu de cartes.

Tandis que ce dernier me taquinait sur le fait que je ne buvais que du Jus de Pom depuis quelques temps, un frisson me parcouru le dos.
Rien d’inquiétant pourtant. Seulement un frisson, tel une présence froide qui m'entourait.

Je n'y prêtai aucune attention et continuai mes sinueux débats avec mon ami.
Autrefois, nous étions membres des Affranchis, "une grande guilde parmi les nôtres."
Cependant, le temps avait eu raison d'une partie de nos frères, tandis que d'autres choisirent l'exil.

Nous bûmes jusque tard dans la nuit, avant de rejoindre nos domiciles propres.
J'enviais tellement mon camarade. Il était marié, heureux et Père admirable d'Azaël,un adorable petit Sacrieur.

Je m'appelais Jin, et j'étais seul.

Je vivais dans une taverne. En temps normal, cela aurait mis en joie n'importe quel Pandawa,
Mais la Taverne des Rafraichis se situait dans le Domaine Affranchi, et chaque pas en ces lieux me brisait le cœur.

Ainsi défilaient les jours, les uns après les autres, sans discontinuer.
Je n'avais plus envie de boire, ma fourrure blanchissait à vue d’œil, Tandis que ma plume manquait d'encre.
Il y a quelques années, j'étais reconnu dans tout Brâkmar pour la qualité de ma prose, Bon sang, que je regrette cette époque bénie des dieux,
Où il était possible de trouver l'amour à chaque coin de rue.
Mais le ciel s'est assombri, et qui voudrait encore d'un Pandawa vieillissant ?

Seul mon poste dans l'avant garde me permettait encore de vivre,
Ma maigre solde disparaissant rapidement dans les diverses tavernes de ce monde.

Je m'appelais Jin, et j'étais déprimé.

Azaël me tournait autour, jouant avec un petit jouet en bois.
Ce petit morceau d'homme avait le don de me faire luire les yeux.
Je le regretterais.
Après avoir salué ses parents, je repartis pour Brâkmar.
Assis sur le rempart de la grande porte, cette magnifique sculpture géante représentant une tête de Dragon,
Je contemplais un ciel noir digne du plus bel orage d'été.
La pluie se répandait sur les pavés, formant ça et là quelques flaques dans lesquelles mon image se reflétait, triste et tremblante.
Je senti mon cœur battre sous ma peau, alors qu'une toux grasse me brulait la gorge.

Je regrettais tellement de ne pas avoir pu profiter de ma jeunesse, et d'apprendre à devenir meilleur.
J'aurais pu suivre Maitres Cherrysteel et Preder en exil à Bilbyza, mais mon manque de confiance en moi me tétanisait.

Je me trouvais au bord du rempart.
Haut de 20 mètres, ce dernier brillait d'une aura sombre et imposante.
Je me suis doucement levé, "sentant mes jambes douloureuses plus que jamais."
Un vent frais me caressait le visage, tandis que je repensais à la vie que j'avais vécu
L'armure pourpre de la légion Brâkmarienne était ma dernière fierté.
Je la détachai avec honte, avant de lâcher prise, et de m'envoler vers le sol.
Libre.

Je m'appelais Jin.

Je me vis sortir de mon corps, flottant dans les airs, glissant inévitablement vers l'Incarnam.
J'étais là, étalé sur les marches de la grande porte, ma fourrure tachée de la couleur de ma nation.
Je fermais les yeux, m'élançant jusqu'au cieux pendant ce qui semblait être une éternité,
Lorsqu'une sensation particulièrement gênante envahie la pauvre âme que j'étais.
Je retombais, rapidement et violemment, jusqu'à la terre des douze.

Avez-vous déjà senti la peau de vos bras et de vos jambes se décoller lentement ?
Vos muscles se déchirer, partir en lambeaux, tandis que tous les os de votre corps s'efforcent de percer votre chair ?
Avez-vous déjà senti tous vos tendons et tous vos ligaments s'étirer, prêts à rompre,
tandis que votre squelette cherche à se disloquer de l'intérieur ?

La douleur était insoutenable, au point que je cru mourir une seconde fois.
J'ignore totalement combien de temps je fus inconscient, mais lorsque enfin j'ouvris les yeux, je n'étais plus seul.
Je distinguais des ombres autour de moi, murmurant des bribes de mots sans que je puisse les entendre.

Un Xélor vint soudain coller son masque à quelques centimètres de mon visage.
"Il est réveillé, la momification est un succès.", murmura ce dernier, tandis que cinq autres ombres se penchaient sur mon corps.

Je me redressais péniblement, lorsque je pris conscience de la situation.
Je n'étais plus moi même.
De larges bandelettes couvraient mon corps, froid et rigide.
Ce n'est qu'en voyant l'imposant tas de poils à mes pieds que je compris tout.
J'avais changé, un miroir en face de moi me confirma l'affreuse vérité.
"Bonsoir Colombus, bienvenue au refuge Haddlestone." Dit une jeune Sadida, souriante.
Comment m'avait-elle appelé ?
Ou étais-je ? Surement pas au Paradis.

Un masque sombre couvrait mon visage, la totalité de mon corps était recouvert de long lambeaux de tissu blanc, et mes mains portaient de fins gants métalliques.
La vie aurait-elle décidée de m'offrir une seconde chance ?

Plusieurs mois ont passé depuis l'incident, j’apprends docilement à utiliser mes nouveaux talents, avec ma nouvelle famille.
Je suis retourné voir Siamian et son fils, mais je ne vais plus à la taverne.

Je m'appelle Colombus, et j'ai retrouvé le temps.‏

Un texte plein de mélancolie, mais très beau et superbement écrit. J'espère que Colombus après avoir retrouvé le temps retrouvera aussi le bonheur.

Je suis tombée en admiration devant la qualité de ton texte, Colombus. Et je suis tout à fait d'accord avec les remarques et souhait de Kahlua.
Sur tes conseils, je suis allée lire l'histoire de Jin sur le forum de Wakfu, qui complète bien l'histoire de Colombus.