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Ormielle
Ormielle
Messages : 4
Date d'inscription : 15/01/2018

Ormielle - Carnets de route Empty Ormielle - Carnets de route

Lun 29 Jan - 19:44
Si je vous disais que j’ai vécu une vie dramatique, connu la mort, la douleur ou la famine, je mentirais. Mais ce n’est pas pour autant que mon histoire est moins importante que d’autres. Certes, je pars sur des bases moins dramatiques. Je pense cependant que ce ne sont pas les épreuves que nous avons traversées qui prouvent notre valeur, mais plutôt la manière dont on les a dépassées. Et je vous prie de croire qu’à mon échelle, j’ai traversé de nombreuses épreuves. Elles ne méritent peut-être pas toutes d’être contées, mais elles ont forgé la personne que je suis actuellement. C’est pourquoi j’y repense souvent avec une légère nostalgie.

Je suis née à Astrub. Ma famille était riche. Je ne dis pas cela pour me vanter ; c’est un simple fait. Nous possédions une imposante demeure au centre même de la ville. Un luxueux jardin donnait sur l’entrée du manoir familial ; tout était destiné à impressionner le moindre visiteur. Ma famille était exclusivement composée de Fecas. Notre vie était régie par de sombres traditions et des idées obsolètes. Les Fecas jouissent d’une bonne réputation ; fiables, efficaces, nous sommes généralement des personnes appréciées dans les moments difficiles, d'autant plus que nous ne sommes plus très nombreux. La richesse de ma famille provient exclusivement de ces qualités. Vous pouvez penser que j’ai un certain dégout pour eux ; ce n’est pas le cas. Il s’agit simplement d’un monde très différent du mien, avec lequel je ne suis plus en phase. Cela ne vous étonnera donc pas de savoir que j’ai un jour décidé de partir et de ne plus jamais remettre les pieds à Astrub.

Très jeune, j’avais déjà compris que mes parents et tous mes ancêtres avaient été de hauts-gradés dans des milices. Principalement à Amakna et Bonta, ma famille s’est toujours engagée à protéger les civils et à combattre ceux qui cherchaient à conquérir de nouveaux territoires. J’ai été élevée dans cette optique ; un jour, je m’engagerais également dans une milice puissante et m’illustrerait de hauts-faits guerriers. Mes parents n’avaient aucun doute sur mes capacités et sur mon futur. Je tiens à ajouter que je suis fille unique, si bien que j’étais le seul espoir de mes géniteurs de perpétuer la tradition de notre famille.

J’ai reçu une éducation très fermée. Je ne côtoyais quasiment que des Fecas, ce qui en soit est une idée ridicule. Le but, ce me semble, était de me conditionner à progresser le plus rapidement possible. Armures magiques, glyphes destructives, maniement du bâton, sorts pour augmenter la puissance de ses alliés ; tout cela, je le maitrisais déjà à dix-sept ans. Comment pouvait-il en être autrement ? Après tout, j’ai reçu la meilleure éducation dans le domaine.

Je ne me plains pas. J’étais heureuse. Mon monde était petit, mon monde était fermé, mais j’étais une jeune fille très simple. J’avais pour unique objectif de contenter mes parents de mon mieux. Je voulais voir leurs yeux briller de fierté. J’étais la plus heureuse lorsqu’ils me complimentaient sur mes progressions. Lorsque je parvenais enfin à participer à des débats géopolitiques, un sentiment de satisfaction très intense m’emplissait. J’étais la fille prodige parfaite. Mes professeurs étaient tous unanimes ; du pur sang de Feca coulait dans mes veines.

Au-delà de l’intensité de mon apprentissage, aussi bien physique qu’intellectuel, je vivais une vie sans aucun manque. Dans ce vaste manoir, tout était à disposition. Je pouvais faire ce que je désirais… Dans l’enceinte de la propriété, bien entendu. Je n’étais que très rarement autorisée à sortir, et jamais seule. Je dois cependant vous avouer la vérité ; je m’en moquais. Ma vie me comblait et je ne ressentais pas de désir de liberté comme vous pouvez le songer. Qu’avais-je besoin d’autre après tout ? Je pouvais demander à obtenir tout ce que je voulais. J’étais la prunelle des yeux de mes parents, et je les adorais. Tout était raffiné et élégant autour de moi. Je développais rapidement un goût pour les belles choses, ce qui par ailleurs est toujours le cas maintenant. Certains disent que je suis une fille à papa. Certes. Et alors ? Je n’ai aucune honte de mon parcours.

Un changement radical a cependant opéré alors que j’approchais de la majorité. Une des traditions familiales voulait que lors de cet évènement, une cérémonie était organisée. Le lendemain, j’étais sensée partir et m’engager dans une quelconque force militaire, comme j’ai toujours été destiné à le faire. Plus que six mois. J’avais attendu toute ma vie de pouvoir mettre en application mon savoir. J’avais de la peine à contenir mon impatience. Six mois peuvent sembler d’une longueur interminable pour une adolescente. Une nouvelle vie m’attendait après cette cérémonie. Je m’ennuyais de plus en plus lors de mes leçons. Il faut dire que j’avais un peu d’avance sur mon programme, si bien que mes professeurs cherchaient uniquement à réviser mes acquis. J’avais soif de savoir, je voulais plus, je voulais toujours plus. Je commençais à agacer mes tuteurs en leur posant trop de questions sur leurs propres leçons. Ils n’avaient sûrement pas les réponses, mais cela, je ne l’avais pas compris à l’époque. Je comprenais seulement qu’on ignorait soudainement ma soif de m’améliorer, mon envie d’apprendre. C’était extrêmement frustrant.

Je connaissais la frustration. Malgré sa richesse, ma famille avait compris une chose primordiale ; apprendre la frustration aux enfants est très important. Mais il s’agissait d’un faux-sentiment, créé de toutes pièces par mes parents. Je savais très bien que je pourrais avoir un nouveau chacha si j’insistais suffisamment. Ils refuseraient un temps pour la forme… Mais j’étais convaincante quand je le souhaitais. N’allez pas vous imaginer que je devenais insupportable et faisait des fixettes sur mes nouveaux objets de désir. J’ai toujours été raisonnée, ce qui est bien plus efficace pour convaincre quelqu’un de vous accorder ses faveurs. Mais à présent… Je connaissais la véritable frustration. Les barrières que l’on vous met devant vous pour vous empêcher d’atteindre votre objectif. C’était un sentiment très nouveau, et probablement la pire chose que j’ai eu l’occasion de vivre en dix-sept ans et demi.

J’ai mal réagi, je dois l’admettre. J’ai décidé d’étudier en cachette, comme je l’entendais. La nuit, je m’infiltrais dans la bibliothèque de ma mère – le sort de téléportation était un de mes préféré. Très efficace pour ce genre d’activités. Il y avait beaucoup de livres que ma mère « m’interdisait » ; elle me disait souvent qu’elle voulait que je les lise quand je serais plus âgée, sans jamais préciser quand est-ce que je serais prête. J’étais prête. Je me mis à dévorer de nombreux ouvrages. J’ai développé une passion soudaine pour l’alchimie, l’astrologie et l’étude de la mythologie. Cela semble cliché, mais j’ai redécouvert le monde des Douzes à cette époque. J’ai réalisé que ce qu’on m’avait enseigné était très restreint ; positions à adopter pour défendre une zone étriquée, comment se battre sans armes, l’origine des conflits entre Brâkmar et Bonta… C’était bien beau, mais je ne connaissais que peu de choses en dehors de stratégies militaires. Ma compréhension du monde se transforma radicalement. Je découvrais de quelle façon pécher un poisson lune ; comment lire les étoiles pour retrouver son chemin ; quelles plantes utiliser pour soigner une plaie ouverte ; comment vivaient les Ouginaks dans le désert… J’étais fascinée. Pourquoi avait-on écarté ce savoir ? Je découvris de nouveaux peuples, certains disparus, certains toujours vivants. J’étais passionnée par les descriptions de nouvelles îles, de nouvelles créatures. Je pouvais passer des heures par terre, sur ce tapis de fourrure qui trônait majestueusement au milieu de la bibliothèque. Je ne comprenais pas tous les ouvrages, mais qu’importe ; ma curiosité me poussait à consulter tout ce qui me semblait intéressant. Je me suis perdue de nombreuses heures dans des récits d’aventuriers contant des lieux du monde plus exotiques les uns des autres. Leurs vies me semblaient palpitantes.

Quelque chose dans ces récits me laissa cependant pensive. Dans les histoires, les héros étaient rarement solitaires. Ils étaient souvent accompagnés d’amis rencontrés ça et là. Au fil des semaines, je réalisais très soudainement ma solitude. Mon monde tournait autour de mes parents, et en moindre mesure, autour du reste de ma famille. Comment avais-je pu passer autant de temps sans le moindre ami ? Je réalisais avec effroi que personne ne me tenait compagnie par envie ou par plaisir. Mes tuteurs étaient payés pour me faire cours. Mes parents… Mes parents voyaient en moi un projet. Leur projet.

Alors que la cérémonie était programmée pour le surlendemain, je décidais de sortir de chez moi pour me vider l’esprit. Une petite escapade de nuit à Astrub n’allait pas me faire de mal et je brulais d’envie de marcher en dehors de ma prison dorée. Je voulais rencontrer des gens avec des oreilles pointues ou de la fourrure sur tout le corps. Cela vous semble peut-être futile ; pour moi, il s’agissait de choses tellement lointaines et mystérieuses qu’elles me fascinaient sans difficultés.

Pour être honnête, ce fût tellement facile pour moi de sortir de la demeure que c’en était presque décevant. Je sortis tout simplement par la fenêtre de ma chambre. La pleine lune éclairait parfaitement les alentours, ce qui me permis d’esquiver très aisément les gardes à l’entrée du manoir. Deux ou trois téléportations… Et me voici dans les beaux quartiers d’Astrub. Mon cœur battait avec frénésie alors que je marchais à vive allure pour rejoindre le centre de la ville. Je reconnaissais vaguement les environs, mais la nuit changeait radicalement l’impression que j’avais de la cité. Tout était très lumineux ; de nombreuses bougies brillaient par les fenêtres des maisons. D’abondantes lanternes avaient été accrochées dans les rues. L’atmosphère semblait festive pour une raison que j’ignorais. Des gens… Des gens très étranges parlaient joyeusement entre eux et se promenaient. Je vis même un Pandawa, ressemblant exactement à une gravure ethnologique qui m’avait marquée. J’étais galvanisée par tout ce que je voyais et j’atteins plus rapidement que prévu l’auberge. Je voulais en voir plus… Mais je voulais également boire une bière comme une personne normale. Dans les livres, les amitiés semblaient se former naturellement dans les tavernes. Le lieu était surement propice à la relaxation. D’un air faussement assuré, j’entrais donc dans l’auberge d’Astrub. Le lieu était bondé et très bruyant. La sensation de proximité avec tout ce monde était on ne peut plus déroutante. L’air ambiant était chaud, limite moite, ce qui était plutôt agréable en cette saison de grand froid. Légèrement paniquée – je n’avais jamais vu autant de personnes de ma vie -, je marchais quasiment automatiquement vers le comptoir. Une superbe Ecaflip prenait les commandes des clients assoiffés. Après plusieurs minutes de tentatives, excédée, je décidais de m’imposer et hurlais quasiment pour qu’elle m’entende. Ma bière fut servie rapidement. C’était la première fois que je buvais cela. Je parvins avec difficulté à me trouver une place au bar, entre deux groupes de fêtards exaltés. Je buvais lentement, examinant avec étonnement tout ce joyeux capharnaüm autour de moi. Tout était tellement… Vivant et authentique. Ces gens riaient à gorge déployée et triquaient sans se soucier de renverser de la bière partout. De la musique me parvenait d’un ménestrel qui jouait au fond de la salle. L’air sentait la transpiration et l’activité, mais étrangement, cela ne me dérangeait pas. Je me détendis petit à petit, sirotant ma boisson, m’amusant des blagues et des grimaces des uns et des autres.

Quand soudain, quelqu’un m’interpella.

- Eh, toi ! me lança un grand Sacrieur en s’approchant.

Étonnée, je regardais derrière moi pour être certaine qu’il ne s’adressait pas à quelqu’un d’autre – ma hantise était de paraitre mal à l’aise ou stupide en répondant à quelqu’un qui ne m’adressait pas vraiment la parole.

- Eh, je te cause, petite ! poursuivi-t-il. Il était arrivé à ma hauteur et me regardait droit dans les yeux, sans aucune hésitation. « Tu es une Feca, n’est-ce pas ? »
- En effet, répondis-je, déroutée.

Il poussa quelqu’un qui était assis à côté de moi sans ménagement et prit sa place. Quand l’autre fit mine de protester, il l’intimida d’un regard sanglant. Le siège était à lui.

- Tu tombes à pic, petite Feca. J’ai besoin de quelqu’un comme toi. Quel est ton niveau ?
- Je sais ce que je fais, répondis-je immédiatement. Pour qui se prenait-il ?! J’étais issue de la meilleure famille de Fecas de l’histoire du monde des Douzes.
- Parfait ! s’exclama-t-il avec un grand sourire. Il avait d’étranges dents pointues. « Je pars demain pour Sufokia. J’ai entendu parler d’un village qui a soudainement été endormi. Les villageois ne se réveillent plus. Des amis à moi y sont allés et ne comprennent pas d’où vient le problème. Je compte partir avec une Eniripsa et une Huppermage que je connais de longue date, mais je me sentirais plus confiant si nous avions un Feca dans notre équipe. Ça te tente ? »

Je ne sais pas ce qui m’a pris ce jour-là. Je devais être enivrée par l’atmosphère, mon escapade, l’activité autour de moi.

- Ça me tente, répondais-je immédiatement.

Son sourire s’élargit de satisfaction.

- Buvons ensemble pour fêter cela, petite ! déclara-t-il d’une voix tonitruante.
- Je m’appelle Ormielle. Essaye de t’en souvenir à l’avenir.
- Et moi, c’est Ulwar. Trinquons à demain !

Cette soirée-là fût un tournant considérable dans ma vie. Si je n’étais pas sortie, si je n’avais pas répondu à cet homme, je serais probablement partie à Bonta pour le plus grand bonheur de mes parents. Au lieu de cela, le lendemain je leur déclarais que j'avais décidé de naviger jusqu'à Sufokia avec un ami rencontré la veille. La nouvelle ne fût pas bien accueillie, je vous prie de me croire. C’est cependant ma mère, dépitée, qui raisonna mon père. Il arrêta de me hurler dessus pour me jeter un regard glacial que je n’oublierais jamais.
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Kalhua
Messages : 10
Date d'inscription : 15/01/2018

Ormielle - Carnets de route Empty Re: Ormielle - Carnets de route

Mar 30 Jan - 13:10
Merci pour cette super histoire Ormielle. J'ai hâte de savoir ce qui s'est passé dans ce village de Sufokia.
Carmilla de la Crique
Carmilla de la Crique
Messages : 9
Date d'inscription : 20/12/2017

Ormielle - Carnets de route Empty Re: Ormielle - Carnets de route

Jeu 15 Fév - 17:09
Très bonne introduction à tes aventures, Ormielle ! Moi aussi, j'aimerais bien savoir ce qu'il s'est passé ensuite ! Smile
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Ormielle - Carnets de route Empty Re: Ormielle - Carnets de route

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